Septembre 2021 - Lauréate : Dr Sara EUDELINE

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Dr Christian Hugue

eudeline jouault

Dr Sara Eudeline et Dr Amélie Jouault

discours grapton

Dr Xavier Grapton

dr pierre-yves devys

Dr Pierre-Yves Devys


prix de thèse

Discours lors de la Remise du Prix de Thèse Le 21 septembre 2021 Dr Xavier GRAPTON « Je commencerais cette présentation par sa conclusion.

- Si vous ne l’avez pas lue, lisez cette remarquable thèse et si vous l’avez lue et forcément appréciée faites la lire et si elle a recueilli tous les suffrages du jury, c’est parce qu’elle est exceptionnelle : j’entends par là unique dans sa présentation en 2 tomes et surtout dans la portée du message qu’elle délivre. C’est également la raison pour laquelle de nombreux articles dans la presse médicale s’en sont faits l’écho. Ce travail est le fruit de la collaboration de 2 internes le Dr Amélie JOUAULT qui nous fait le plaisir de sa présence et du Dr Sara EUDOLINE notre lauréate.

Pendant 3 ans nos deux internes ont enquêté sur le thème des violences exercées lors des études médicales auprès de 2179 internes en Médecine Générale dans toute la France, soit 20% de l’effectif total de cette spécialité. C’est-à-dire que les conclusions de l’étude sont significatives. Un questionnaire clair et progressif a été proposé reprenant les types de violence, leur gravité, leur éventuelle répétition, le contexte dans lequel elles surviennent et le profil de l’étudiant agressé de même que celui de l’agresseur. Les résultats sont sans équivoque puisque 93,8% des étudiants de l’étude signalent avoir été victimes de violences. Celles-ci étant omniprésentes et quasi systématiques. Cela doit bien sûr interpeler notre institution puisque les agresseurs sont essentiellement des médecins et que les agressés de futurs médecins. 5 types de violences sont répertoriées, exercées à l’hôpital essentiellement mais pas seulement : violence psychologiques, physiques, sexuelles ou sexistes, non-respect du temps de travail et bizutage.

- 93 ,6% des étudiants subissent des violences psychologiques (mise à l’écart 80%, humiliations 63%, abus de pouvoir 58%, harcèlement moral 39% et même menaces (26%), insultes 24%) - De nombreux internes ont eu à subir des discriminations de genre (50%), sur l’apparence physique (24%), discriminations à motif racial, matrimonial, sur l’orientation sexuelle ou religieuse. - Des violences physiques sont aussi relatées dans 49,5% des cas. (Jets de dossiers, de matériel chirurgical, bousculades, etc...). - 53% des internes en Médecine Générale ont témoigné de violences sexistes ou sexuelles (propos ou comportements) et 20% ont été confrontés à un harcèlement sexuel. - Enfin 20% des sondés racontent des bizutages contraints cependant interdits. - Par ailleurs, les temps de travail sont dépassés dans 68% es cas.

Vous étudiez ensuite le profil des agresseurs :

- Essentiellement des hommes dans la violences sexuelles (70%) - Également hommes et femmes dans les violences physiques et psychologiques. 9 fois/10 se sont des supérieurs hiérarchiques qui sont les auteurs de ces violences mais aussi du personnel hospitalier (infirmiers, secrétaires, etc...) Vous avez noté que ce sont dans les services où les conditions de travail sont les plus compliquées, où le personnel souffre que les violences s’exercent sur les plus fragiles. En effet, vous constatez que ce sont ceux dont l’état de santé initial n’est pas bon, qui sont parfois sujets à des addictions ou qui ont déjà subi des violences qui sont les plus visés.

Il en résulte bien entendu des conséquences lourdes et parfois tragiques : arrêt des études, dépressions (80% sont en burn-out), répercussions familiales, altération des capacités de soin, idées suicidaires dans 30% des cas voire même suicides. Et cependant le nombre de plaintes plafonne sous la barre de 1% et plus de la moitié des étudiants n’a jamais parlé des violences dont ils étaient victimes. Et l’on peut se demander pourquoi : Plusieurs réponses : certains jeunes estiment que cela fait partie du folklore carabin, d’autres développent un sentiment de honte les incitant à se taire, d’autres enfin ont peur de paraître faibles. Vous concluez votre propos sur plusieurs pistes pour tenter de mettre fin à ces violences constatées dans les études médicales : 1er : la formation et la sensibilisation des étudiantes et enseignants à ce problème. 2ème : le dépistage systématique de ces violences calqué sur celui des femmes victimes de violences. 3ème : le suivi médical des internes par la médecine du travail où ces questions seraient abordées. Je note néanmoins que vous avez sensibilisés les Ministres de la Santé et de l’Enseignement supérieur sur ces différents points et qu’ils se sont déjà engagés sur le fait de faire respecter les temps de travail... Dans un second volume vous faites état de témoignages recueillis illustrés de bandes dessinées ce qui confère, une fois de plus, une originalité à votre travail et vient appuyer vos propos. Pour terminer, il faut vous remercier d’avoir eu le courage de faire parler terreurs, frustrations et colère, d’avoir exhumé ce qui était tapi dans l’ombre des blocs opératoires, dans les mémoires de salles de garde, dans les couloirs de nos services hospitaliers, et d’avoir réveillé les consciences. Pour ma part, je souhaite vivement que cette thèse soit suivie d’un volet supplémentaire

  • qui replacerait le concept abordé dans le cadre d’une société de violence quotidienne,
  • qui comparerait les violences constatées dans les différents cursus,
  • qui analyserait le profil des agresseurs, eux-mêmes peut être agressés par le passé,
  • et enfin qui mettrait en parallèle ce que vivent actuellement nos internes et ce qu’ils avaient accepté lors des décennies précédentes.

Et Bravo encore chères Consœurs »